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“Electric Feel” une exposition de Pascal Vilcollet


  • Galerie Valentin 9 Rue Saint-Gilles 75003 Paris France (carte)

HISTOIRE ET INTUITION

Un fond coloré, quelques nuances, des dégradés – bleu, vert, jaune, beige – un mur de couleur et par dessus des coups de pinceau rapidement jetés sur la toile, puis brossés se fondent dans la surface.

Pour interpréter ce à quoi renvoient les formes énigmatiques peuplant les toiles de Pascal Vilcollet, il faut remonter le temps et mettre ses œuvres en perspective avec l’évolution de sa pratique. N’ayant pas reçu de formation artistique traditionnelle – entendre *école d’art* – il se forme cependant d’une manière que l’on pourrait qualifier de classique, par l’étude des « grands maîtres », l’apprentissage de la manière donc. À l’acrylique il étudie, déforme et reforme les peintres de l’histoire de l’art, les Caravage, Rembrandt et autres Murillo, s’approprie leur histoire, ingère et digère leur enseignement, et par là-même développe une peinture figurative forte qui lui est propre, très expressive, s’attardant sur les regards, les jeux de lumière et de matière.

Après quelques années, une évolution advient – qui prend son temps – mais pour le public peut faire figure de rupture radicale : peu à peu les fonds picturaux se dépouillent de leurs figures et apparaissent pour ce qu’ils sont, bien plus que des supports visuels, des sujets à part entière. Sur ces fonds peints à l’huile, Pascal Vilcollet pose des gestes intuitifs, qui se libèrent de toute forme de narration, de souci de composition, de valeur esthétique même : qui tentent d’exister pour ce qu’ils sont uniquement – des mouvements dans l’espace, une forme d’écriture automatique accomplie, exempte de figuration, qui existe pour ce qu’elle est – et de laisser une trace. Une telle rupture de pratique chez un artiste ne se peut expliquer autrement que par un besoin impérieux, ressenti au plus profond, qui pousse à tout risquer. Car en vérité il n’a pas d’autre choix.

Remonter du Modèle à la Matrice ! Imposteurs, ces artistes qui bientôt demeurent fixés en chemin. Mais élus ceux qui plongent vers la Loi originelle, à quelque proximité de la source secrète qui alimente toute évolution. Ce lieu où l’organe central de tout mouvement dans l’espace et le temps – qu’on l’appelle cœur ou cerveau de la création – anime toutes les fonctions, qui ne voudrait y établir son séjour comme artiste ? Dans le sein de la nature, dans le fond primordial de la création où gît enfouie la clé de toute chose ?

Ce besoin irrépressible ressenti par Pascal Vilcollet est en fait une plongée dans les origines de la création, une quête qui le conduit à libérer son geste de toute culture apprise, du poids de l’histoire et des dictats qu’elle charrie toujours avec elle, à s’en délester pour s’approcher d’un plaisir que nous avons toutes et tous ressentis enfants : un geste apposé sur une surface laisse une trace, qui devient ensuite vivante dans les yeux de l’autre.

Cette quête est ancrée dans l’histoire de la modernité et nombre d’artistes du début du XXe siècle en ont fait leur cheval de bataille. On peut penser en particulier aux artistes du Bauhaus, à Klee ou à Kandinsky, et à leur recherche des « origines » de l’art, chez les enfants notamment, ou au cœur de la préhistoire. Il est alors intéressant de remarquer que, tout en conservant sa gamme chromatique initiale, Pascal Vilcollet, par la rupture qui s’est imposée à lui, s’inscrit dans cette histoire, passant d’une pratique maniériste que l’on pourrait ici rapprocher d’un art pompier à une radicalité picturale assumée.

Evidemment sa peinture véhicule d’autres influences – sans cesse le regard se nourrit – que l’on peut chercher du côté de ses affinités culturelles et artistiques, comme Bruno Munari, Paul Cox, Cy Twombly, George Noël ou Jean Degottex. Mais c’est dans cette quête incessante et parfois obsessionnelle qu’il faut je crois chercher le sens profond de ses nouvelles recherches.

Un fond coloré, quelques nuances, des dégradés – bleu, vert, jaune, beige – un mur de couleur et par dessus des coups de pinceau rapidement jetés sur la toile, puis brossés se fondent dans la surface.

Dans un premier plan, la préparation du fond pictural, un espace qui permet la ligne, l’appelle et l’influence, comme la paroi d’une caverne dicta les premières compositions pariétales. Le reste n’est que chorégraphie, et trace. Le geste est rapide, ne repose sur aucun schéma préalable, se fait dense ou aéré – il y a quelque chose de l’humeur qui transparaît sans aucun doute – les empreintes s’accumulent et se superposent, selon l’intuition de Pascal Vilcollet. La ligne fraichement posée est ensuite balayée, ainsi fondue dans l’arrière plan, provoquant cette impression de halo, comme la lumière d’un néon. En résulte des toiles expressive d’une grande spontanéité, aux couleurs souvent chatoyantes, réceptacles d’une danse réalisée dans l’intimité de son atelier, cristallisations d’une rencontre entre le corps et la surface picturale, d’une intuition.

Bien loin de notions telles que le hasard ou l’accident, l’intuition présente dans les œuvres de Pascal Vilcollet, leur grande liberté graphique, ne repose pas sur le rejet de la culture – comme si ses gestes étaient liés au sort – mais bien sur une totale intériorisation de celle-ci qui, enfouie, est stimulée par la surface colorée et l’état immédiat du peintre et rejaillit d’un coup, sans concept ou raisonnement, sans articulation, éruption presqu’incontrôlée d’un inconscient excité. On comprendra alors que le préambule artistique de Pascal Vilcollet – son étude par le corps des maîtres et de l’histoire – bien plus que de l’avoir conduit à ses expressions actuelles, les a permises. Car l’intuition repose sur la culture digérée, comme la peinture sur le pigment lié.

GRÉGOIRE PRANGÉ
Lille, janvier 2022

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