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Christian Fert


  • Galerie Valentin 9 Rue Saint-Gilles 75003 Paris France (carte)

Christian Fert

Du 7 septembre au 19 octobre
Vernissage le 7 septembre de 14h à 20h30

 

« L’objet sensible est présence. Il se distingue du conceptuel avant tout par un acte. C’est la présence. »
Yves Bonnefoy

FERT, dont nous vous proposons des œuvres représentatives de son travail (huile sur toile, le plus souvent), aime peindre vite, souvent animé d'une fièvre, d’une véritable urgence.

Ne le cherchez pas sur le motif, Fert n’y est pas. Rares sont les indices sur ses toiles qui permettraient de situer les scènes peintes, et les ciels – non des cieux –, souvent verts, sont irrémédiablement vides. Le « réel » n’est pas pour lui. Son motif est un « lieu-dit » perdu de sa boîte crânienne ; son sujet ne relève pas de la vue, mais de la vision. « Peut-être que je peins pour voir autrement, s’interroge-t-il, ou que je peins pour voir mieux ». Pinceau en main, Fert saisit un autre réel : pour le forgeur d’images comme pour le rêveur, quoi de plus tangible que les formes qui se présentent ? Elles sont.

Alors entrons dans les toiles. Danseuses antiques sur une plage, géantes énigmatiques, voire inquiétantes, femmes ayant trouvé un joyau ou un simple caillou (métaphore du peintre dubitatif ?), littoraux aux flots écumeux gros de nouvelles Vénus, personnages trinquant, homme risque-tout extatique ou frappé d'idiotie sur une balançoire cosmique, scènes volontiers nocturnes de chirurgie, de fuite, jeux de mains, de regards, de miroirs, arêtes captieuses de visages... nous voici sous le charme d’une fantasmagorie efficace.

Pas de facilités cependant, pas de prise en otage du spectateur, pas de débauche de couleurs d’une post-modernité fébrile (ni d’un académisme anachronique) ;  la palette de Fert est, à dessein, souvent réduite. Convoquer le regardeur ne nécessite pas un coup d’éclat, plutôt le déploiement d’une cartographie patiente, humble, mouvante de cet autre monde fait de scènes entêtantes apprivoisées parfois en séries, de figures fantomatiques (qui disent sans doute plus sur notre monde que la bravade calculée), de muets colloques oniriques fragiles parfois comme des mirages – et l’on pense à Rimbaud qui entendait fixer des vertiges. Suggérer le fugace plutôt que le montrer. Sans garantie : « Si je savais où je vais en peinture, je cesserais immédiatement de peindre, car cela m'ennuierait absolument ! »

Présentifier l’insaisissable implique un corps-à-corps avec la toile, une véritable pictomachie. Ce n’est jamais tout à fait ça, alors il faut reprendre, pousser le travail, élaguer, éliminer l’importun détail, céder au repentir, aller s’il le faut jusqu’au palimpseste : il est arrivé que Fert retravaille un tableau vieux de vingt ans... Au fil du temps, de nouvelles solutions s’offrent sur la toile, comme ce vert Véronèse sur fond sombre qui apparaît comme un double psychique du peintre. Le fond des tableaux, du reste, n’est pas un arrière-plan, il joue un rôle majeur dans ce travail, il est figure aussi.

Le maître-mot de ce parcours pictural serait la présence. « Je crois, dit Fert, que tout peintre recherche cette présence. » Ce qui frappe dans ces toiles habitées, c’est le surgissement des formes. La prégnance des êtres et objets mystérieux qui hantent cet espace leur confère une dimension mythique et mue par là-même un univers personnel en monde partageable. Quiconque s’appliquera à ces figures aussi belles que fortes en sera quitte pour une longue persistance rétinienne.

Hervé Lemarié

"The palpable object is presence. It stands apart from the conceptual world above all through an act. It is the presence."
Yves Bonnefoy, "Les Tombeaux de Ravenne"

FERT, a selection of whose work—most frequently oil on canvas—is on offer here, favors painting quickly; his primary impetuses are feverishness and genuine urgency.

Seek not to locate him; Fert is nowhere to be found. Few marks on his canvases will let viewers situate the depicted scenes; the skies—no heavens, those—are frequently green, irremediably empty. "Reality" is not for him. His actual subject is a remote and unnamed small place, somewhere in his skull; his subject is not a view, but a vision. "It may be that I paint to see differently," he muses, "or to see better." With his brush, Fert captures a different reality: for the image-maker, as for the dreamer, what could be more tangible than the forms that step forward? They simply are.

Consider the canvases. Dancers from antiquity on a beach; mysterious, even troubling giants; women chancing upon a jewel or a mere pebble (perhaps a metaphor for the dubious painter?); shores of frothy swells fat with new Venuses; Bacchanalian figures; ecstatic or harebrained daredevils on a cosmic swing; willingly nocturnal scenes of surgery, flight, hand games, glances, mirrors, faces' arresting edges… Here we are under a potent fantasia's charm.

Yet there are no facile gestures, no viewers taken hostage, no feverishly postmodern (nor anachronistically conventionalist) riots of color; Fert's palette is generally, deliberately circumscribed. No grand gesture is necessary to summon the onlooker; what is deployed, rather, is a patient, humble, shifting cartography of this other world of overpowering scenes (sometimes tamed in series), ghostly figures (which evidently say more about our world than any calculated bravado might), silent dreamlike colloquia sometimes as shaky as mirages (calling to mind Rimbaud, whose aim, in his own words, was to « fixer des vertiges »). To suggest impermanence rather than show it. Without any guarantees: "If I knew where I was headed by painting, I'dstop painting there and then because I'd be bored to tears!"

To present the ungraspable implies hand-to-hand combat with the canvas, a real "pictofighting." That’s never actually it, and so the work has to be continued, pushed, the inopportune detail pruned, eliminated, the pentimento conceded, the palimpsest, if necessary, done: Fert has, at times, revisited a twenty-year-old painting… Over time, new solutions present themselves on the canvas, like the Veronese green on a dark background that appears like the painter's psychic double. The other paintings' backdrops are not mere backgrounds but play a significant role in this work: they themselves are figures

The key word for this pictorial path is presence. "I guess", Fert says, "every painter seeks this presence." What stands out in these inhabited canvases is the emergence of forms. The prevalence of mysterious beings and objects haunting this space imbues them with a mythical aspect, thereby transforming a personal realm into a world to be shared. Viewers who apply themselves to these beautiful, powerful figures will come away with an enduring retinal persistence.

Hervé Lemarié

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